Vous pensiez que les morsures venimeuses étaient le propre des serpents ? Que l’écholocation était réservée aux chauves-souris et à certains cétacés ? Que seuls les rongeurs et les taupes se partageaient l’exclusivité de creuser le sol de nos jardins ? Découvrons ensemble un micro-mammifère passionnant et souvent méconnu : la musaraigne !

 

360 espèces présentes dans le monde entier

La grande majorité des musaraignes appartient à la famille des Soricidae, qui en comprend plus de 360 espèces ! Présentes dans de nombreux milieux, du bord des mares aux forêts humides en passant par des terrains rocailleux ou des greniers peu fréquentés, les musaraignes se sont installées un peu partout en Europe, en Asie, en Afrique ainsi que sur le territoire américain. De cette grande diversité est née une multitude de caractéristiques physiques : si la plus petite représentante de la famille, la méditerranéenne Musaraigne Etrusque Suncus etruscus, dépasse à peine le gramme, les plus gros spécimens de Musaraigne des Maisons Suncus murinus, originaires d’Asie, peuvent atteindre une centaine de grammes !

 

Des mini-mammifères… mais pas des rongeurs !

 

Malgré cette immense variété, toutes ces espèces partagent certaines caractéristiques : un long museau pointu, de petits yeux et cinq doigts aux pattes avant les distinguent des souris, avec lesquelles elles sont souvent confondues. Les musaraignes ne sont effectivement pas des rongeurs ! Insectivores opportunistes, elles dévorent également cloportes, araignées, limaces et escargots, en faisant l’allié des jardiniers. En fonction des espèces, les musaraignes utilisent l’écholocation, creusent la terre, fouillent le sol ou chassent (parfois sur des arbres, perchées à plusieurs mètres de haut) de quoi ingurgiter jusqu’à deux fois leur poids en nourriture chaque jour. En effet, leur métabolisme très élevé (les plus petites espèces ont un rythme cardiaque de près de 1500 battements par minute !) les oblige à manger quasiment en permanence, un jeûne d’une dizaine d’heures pouvant leur être fatal.

Afin de répondre à ces besoins, les petits naissent déjà pourvus de leurs dents définitives. Lorsque sonne l’heure du sevrage, deux à quatre semaines après la mise-bas, ils sont ainsi prêts à adopter le rythme soutenu de leurs parents ! Et certaines espèces de musaraignes parcourant nos régions ont une autre particularité buccale : une couleur rouge recouvre la pointe de leurs dents, due à la présence de fer les rendant plus résistantes et efficaces face aux insectes à exosquelette de chitine. De quoi ne surtout pas perdre de précieuses secondes lors du temps alloué à la recherche alimentaire !

 

MusaraigneArrivée au Centre de Soins le 31 Août 2018 suite à une rencontre sportive avec l’un de vos félins domestiques, j’y ai passé trois grosses semaines plutôt confortables ! D’abord réhydratée puis nourrie de quelques gouttes de lait pour chaton toutes les heures, j’ai ensuite eu droit à un biberon de lait fortifié et vitaminé toutes les trois heures. Peu à peu, du miel et des vers de farine ont été intégrés à mes repas, afin de préparer mon retour à la vie sauvage et de combler mon appétit vorace. Le 22 septembre, j’ai retrouvé ma liberté sur le terrain de Volée de Piafs, juste à temps pour profiter des jolies couleurs de l’automne !

Se défendre quand on ne pèse que quelques grammes 

La majorité des musaraignes est territoriale et solitaire, voire franchement agressive pendant la période de reproduction, qui s’étend généralement de mars à septembre et permet la mise au monde de une à cinq portées. Un comportement maternel remarquable a été observé chez certaines espèces : afin de protéger et de déplacer ses petits en cas de danger, la femelle fuit en les plaçant derrière elle en « caravane », chaque individu tenant entre ses mâchoires la queue de celui qui le précède. Un moyen efficace de s’éloigner de la source de ses inquiétudes tout en gardant à l’œil une portée pouvant atteindre une dizaine de petits !

Autre moyen de défense : son odeur, probablement plus forte lorsque l’animal est stressé, et qui lui permettrait de ne pas être dévoré par certains carnivores. Néanmoins, même s’ils ne les mangent effectivement pas, les chats apprécient particulièrement les courses-poursuites derrière les musaraignes, qui finissent rarement à la faveur de ces dernières… De même, les rapaces qui raffolent de ces petits mammifères ne font pas grand cas de cette odeur particulière.

 

Cultes et croyances

Quand le terme actuel de « musaraigne » est utilisé pour la première fois, en 1552, il fait à la fois référence à l’aspect de ce petit animal (mus-, souris) et à la croyance alors répandue que sa morsure était toxique (-araneus, araignée). Aujourd’hui, une chose est sûre : aucune des espèces parcourant nos jardins n’est connue pour le pouvoir paralysant de son attaque. Pourtant, une espèce canadienne, la Grande Musaraigne Blarina brevicauda, sécrète bel et bien une toxine permettant à sa salive et à sa morsure de neutraliser ses proies !

Les croyances liées aux musaraignes et l’attrait pour ces petits animaux ne sont pas récents : des momies d’une demi-douzaine d’espèces différentes datant d’il y a près de 2400 ans ont été retrouvées à Thèbes, en Egypte, et certaines musaraignes y étaient même sacrées !

En ce début de XXIème siècle, la musaraigne n’est pas en danger et son nombre ne semble pas décliner. Néanmoins, il y a fort à parier que l’appauvrissement de nos sols et de la biodiversité de nos jardins devienne une menace réelle pour ce mini-insectivore hyperactif… Prudence donc : restez à l’écoute de ses petits cris aigus et préservez la richesse de votre terre, de nombreuses espèces vous remercieront !

 

Marie Sutter

Portrait d’Animal : La Musaraigne
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